MEYER Victor, Antoine dit « Totor » [« Jean-Louis » dans la Résistance]

 

  le  22  décembre  1919  à  Sète  (Hérault),  mort  le  22  avril  1972  dans  un  accident  de voiture  entre  Balaruc-les-Bains  et  Sète  ;  ouvrier  docker,  syndicaliste  ;  militant communiste de Sète ; résistant dans l’Hérault, l’Aveyron et l’Aude.

 

Fils  de    Louis,  Antoine  Meyer,  ouvrier  tonnelier,  et  de  Catherine,  Jeanne  Touat,  sans profession.  Victor  Meyer  épousa  le  31  décembre  1942  Purification  Marquez,  née  le  8 décembre  1921  à  Zalamea  la  Real  (province  de  Huelva,  Andalousie,  Espagne).  Dans  la ésistance  elle  était  agent  de  liaison  sous  le  nom  de  Renée  Sainclair.  Ils  eurent  quatre enfants, un garçon (Jean-Louis) et trois filles (Marie-Thérèse, Michèle, Nadia).

Très  jeune,  avant  la  guerre,  il  adhéra  à  la  Jeunesse  communiste    il  milita  activement. Puis il adhéra au Parti communiste. Au début de l’année 1941, il  était responsable, pour le PC, des jeunes avec Marcel Isoird*, Gaston Chagnon, Amilcar Calvetti,* Wittman et Libéro Calvetti.  Suite  à  l’arrestation,  en  février  1941,  de  Roussigné, Chagnon,  Santucci,  Badier  et Isoird,  le  PCF  fut  privé  d’une  grande  partie  de  sa  direction  à  Sète.  Pierre  Lafitte  fut  alors proposé  comme  responsable  politique  pour  réorganiser  le  Parti,  il  fut  assisté  pour  les syndicats, de Georges Badier, Christophe Lambiris*, François Di Fasio, Fernand Lucchesi* et  pour  la  propagande  de  Joseph  Philippi,  Élie  Candelon  et  Victor  Meyer.  Cette réorganisation fonctionnera jusqu’en février 1942.

Arrêté,  il  fut  interné  en  compagnie  de  P.  Arraut*  et  de  F.  Lucchesi*,  à  Saint-Sulpice-la-Pointe  (Tarn)  d’où  il  s’évada  pour  participer,  en  août  1943,  à  la  constitution  du  premier maquis de l’Hérault, à Prémian au nord-ouest du département, sur les contreforts du Caroux. Ce maquis fut nommé « Jean Grandel » en mémoire d’un militant communiste originaire de Montpellier,  fusillé  à  Châteaubriant  le  22  octobre  1941.  Ce  maquis  avait  été  fondé  à l’initiative  de  trois  enseignants,  Henri  Lauriol*  instituteur  à  Prémian,  André  Allègre, instituteur à Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) et Antoine Beille* professeur au collège de Saint-Pons. Il remplaça le Sètois Amilcar Calvetti à la tête de ce maquis nommé également « base  Z  »  et  vers  lequel  avaient  afflué  de  nombreux  originaires  de  Sète.  Le  maquis  Jean Grandel,  après  s’être  déplacé  dans  le  Saint-Ponais,  fit  ensuite  mouvement  vers  le  Tarn. En septembre 1943 on le retrouva lieutenant et chef FTPF pour l’Aveyron et le Tarn. Mais il fut muté  dans  l’Aude.  En  octobre  1943,  il  fut  nommé  COR  de  l’Aude  en  remplacement  de Loupia  (alias  «  Blücher  »  muté  dans  un  autre  département).  Lorsque  le  maquis  FTP  « Gabriel-Péri  »  de  Chalabre  (Aude)  fut  scindé,  Meyer  prit  le  commandement  (14  octobre 1943) du maquis « Jean-Robert » implanté  au  Bousquet,  près  d’Escouloubre,  dans  la  haute vallée  de  l’Aude.  Du  fait  de  ces  nouvelles  responsabilités,  Meyer  fut  remplacé  par  Louis Bahi (« Leclerc ») au poste de COR (commissaire aux opérations régional). Les qualités et le courage  qu’il  démontra  firent  que  les  responsables  FTPF  lui  demandèrent  de  prendre  le commandement  du  maquis  «  Jean-Robert  »  implanté  d’abord  à  Escouloubre  puis  à Salvezines (Aude). En mai 1944, il intégra l’état major des FFI de la R3 et accéda également au rang de chef adjoint  des  FFI  de  l’Aude.  Après  la  mort  tragique  du  chef  départemental  des  FFI,  Jean Bringer  alias  "Myriel"  (AS/CFL).  Il  devint  le  chef  départemental  des  FFI  audois  après  la mort tragique de Bringer fusillé, après avoir été torturé, au dépôt de munitions de Baudrigues (commune de Roullens au Sud-Ouest de Carcassonne), en même temps que d’autres cadres de  la  résistance  départementales  le  19  août  1944  par  les  Allemands  qui  l’avaient  arrêté  à Carcassonne un mois plus tôt. Meyer s’illustra à la tête de son maquis, renforcé par les Américains d’un commando de l’OSS parachutés le 11 août 1944 et placés sous l’autorité du First-lieutenant Paul Swank. Le maquis Jean-Robert  lança  de  nombreuses actions  de  sabotage  et  harcèlement  dans  la  haute vallée  de  l’Aude  et  jusque  dans  les  Pyrénées-Orientales.  Il  participa  aux  combats  de  la libération de Limoux. À la libération de Carcassonne, « Jean-Louis » (son pseudonyme) était à la tête des FFI de l’Aude et commanda un moment la place de Carcassonne. À l’automne 1944,  il  procura  des  papiers  français  à  l’un  de  ses hommes du maquis «  Jean-Robert  »,  de

nationalité espagnole,  le  jeune  libertaire Henry Melich*et l’incita  à  s’engager  au  81e  RI en voie  de  formation,  lui  sauvant  ainsi  la  vie.  Melich  s’était  fourvoyé  dans  l’aventure  de  la Reconquista de España et,  ayant  quitté  les  rangs  de  l’AGE (et  de  l’UNE),  était  menacé  de mort pour « désertion ». Le 23 décembre 1944, il partit aux armées avec le 81e R.I reconstitué dans l’Aude, à partir des  FFI  de  ce  département  et  d’autres  venus  de  l’Aveyron.  En  ce  qui  le  concerne,  il  était affecté au 3e bataillon du 81e RI (le « bataillon Myriel », du nom de guerre de Jean Bringer résistant  de  l’AS  audoise  assassiné  le  19  août  1944)  formé  à  Castelnaudary  à  partir  des maquis  FTPF de  l’Aude.  Bien  que  n’ayant  que  le  grade  de  capitaine,  ce  bataillon  avait  été commandé  initialement  par  François  Marty*  puis  par  Marcel  Lajou.  Il  participa  à  la campagne d’Alsace puis à  l’offensive  finale contre le IIIe Reich, en Allemagne même. Plus tard, en mars 1944, il remplaça Joseph Mach* tué au combat, à la tête d’un autre bataillon du 81e RI.  Le  13  mars  1945,  la  prise  de  Radstadt  fut  «  un  titre  de  gloire  pour  le 81e régiment d’infanterie  »  (André  Souyris-Rolland).  Le 81e RI  poursuivit  jusqu’à  Freiburg  im  Breisgau puis  Lorrach.  Il  rejoignit  ses  nouveaux  cantonnements  en  juillet  1945  dans  le  Palatinat devenant  ensuite  le  81e bataillon  d’infanterie  qui  fut  dissous  à  Montpellier  (Hérault)  le  12 février 1946. Le 14 janvier 1946, Victor Meyer avait été admis à un stage de préparation aux épreuves  en  vue  de  sa  titularisation  dans  l’armée  active.  Le  23  mai  1946  il  fut  dirigé  vers l’école d’Aix-en-Provence et affecté à la 9e brigade AM. Il fut démobilisé le 1er mars 1947 et revint à Sète.

Il  reprit  sa  place  parmi  les  travailleurs.  Il  exerça  la  profession  de  docker  et  milita  à  la direction du Syndicat CGT. Il représenta les anciens FTPF, lors de la création du Comité de vigilance pour la défense de  la  République,  en  mai  1947,  dont  il  fut  membre  du  bureau.  En  mars  1957,  il  était secrétaire adjoint du syndicat CGT des ouvriers dockers du port de Sète. Avant  les  ordonnances  de  1967  sur  la  Sécurité  sociale  (suppression  des  élections  des administrateurs,  instauration  du  paritarisme  dans  les  conseils  d’administration  et  leurs commissions, réduction d’un certain nombre de prestations et l’augmentation des cotisations, etc.), il avait été élu membre du conseil d’administration de la Caisse d’allocations familiales où il mena un combat acharné. Il s’était vu remettre la  médaille de  la Résistance (JO du 11 juillet 1946). Au moment de son décès, il était président d’honneur de l’ANACR de Sète. Au congrès de l’union  locale des syndicats CGT de Sète, en 1967, il en devint secrétaire général, succédant à Paul Salabert*. Il joua un rôle important en mai-juin 1968, au service du rassemblement des travailleuses et des travailleurs de Sète. Il était un des dirigeants de la section de Sète du PCF et membre du comité fédéral du PCF de l’Hérault (dès les années 1960 jusqu’à son décès). Il  fut  élu  conseiller  municipal  le  14  mars  1971  dans  la  municipalité  présidée  par  Pierre Arraut*.  Il  siégeait  en  tant  qu’élu  à  la  commission  administrative  du  centre  hospitalier  de Sète. Très populaire, tout le monde l’appelait « Totor ».

Sa  vie  s’acheva  dans  la  nuit  du  21  au  22  avril  1972,  à  la  suite  d’un  cruel  accident  de voiture sur la route entre Sète et Balaruc-les-Bains. Il avait cinquante-deux ans. À la  fin  de  février  1983,  la  municipalité  présidée  par  Gilbert  Martelli*  baptisait  la  halle des sports du Barrou, du nom de Victor Meyer, en hommage à ce militant. Élu en mars 1983, le  nouveau  maire,  Yves  Marchand  (UDF)  fit  décider  par  sa  majorité  (séance  du  10  mai 1983),  que,  désormais,  la  halle  du  Barrou  s’appellerait  Louis  Marty  et  non  plus  Victor Meyer.  Le  3  novembre  1984,  le  conseil  d’administration  de  la  Bourse  du  Travail  de  Sète baptisait une de ses salles de réunion du nom de Victor Meyer.

 

SOURCES : Jacques Blin, Dictionnaire du mouvement ouvrier cettois puis sétois de 1789 à 1950, Sète, 2009, 181 p. [pp. 125-126].    Gérard  Bouladou,  Les  maquis  du  Massif  Central  méridional  1943-1944.  Ardèche,  Aude,  Aveyron,  Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour, 2006, 617 p. [p. 465]. — Édouard Martin, Le Parti communiste dans la Résistance (1939-1941), mémoire de maîtrise sous la direction de Raymond Huard, UFR III, Université de Montpellier, octobre 1992, p.  139. — André  Souyris-Rolland (dir.),  Les forces françaises  de  l’intérieur  du  Languedoc-Roussillon  :  Région  R3  dans l’armée de la Libération, Actes du colloque d’histoire, Montpellier, 14 mars 1996, Arcueil, Preal, 1997, 256 p. [pp. 138-139, p.  141]. —  Trajectoires  du  fascisme  rouge,  Perpignan,  Éditions  du  cercle  d’Études  sociales,  1984,  240  p.,  témoignage d’Henry Melich, pp. 130-144. — Le Travailleur du Languedoc du 3 mai 1947. — Midi-Libre et La Marseillaise des 23-24 & 25 avril  1972. — États  de  services  établis par la  section  de Sète de l’ARAC. — Entretien (André  Balent)  avec Henry Melich  (Ponteilla,  28  décembre  2010).    Article  de  Jacques  Cros  dans  L’Hérault  du  jour,  sur  le  site http://premian.free.fr/loisirs/memo... consulté par André Balent le 15 février 2012.

 

André BALENT, Jacques BLIN